Au sud de Marseille, se trouvait une belle endormie : la Friche de l'Escalette, une ancienne usine de plomb du XIXe siècle dissimulée sous une épaisse végétation. Grâce à son rachat par l'antiquaire Éric Touchaleaume, de la Galerie 54, la ruine se destine dorénavant à l'exposition d'œuvres d'art, de mobilier et d'architectures. Cette année, « Utopie plastic » met en avant des habitations légères et modulaires des années 1960-1970.


Face à son homonyme de la Belle de Mai, la Friche de l'Escalette peine encore à se faire connaître. Il faut dire que le site se fait discret : en plus d'être excentré, il est surtout privé. Il s'agit pourtant d'un de ces trésors cachés, dissimulés au fond d'une petite impasse, derrière un portail métallique qui ne laisse rien filtrer.

L'histoire du lieu commence au XIXe siècle, avec l'installation d'une usine de plomb. La matière première arrivait alors par bateau d'Espagne et de Sicile dans le port situé en contrebas, et était transformée en lingots dans les édifices implantés plus haut. L'activité cesse en 1925 et, au fil des années, la surface devient une décharge informelle à ciel ouvert, avec son lot de carcasses de voitures, bateaux, matelas ou autres bouteilles en verre : « il y avait là une faune très pittoresque », livre le nouveau propriétaire. Des promoteurs envisagent un temps d'y monter un ensemble immobilier mais le projet est avorté. C'est à cette période qu'Éric Touchaleaume entre dans la danse. Le marchand parisien, qui a des attaches dans la région, rachète la friche à un collègue antiquaire. S'en suivent plusieurs années de nettoyage intensif et, en 2016, le site ouvre ses portes. Le propriétaire avoue, amusé, que cet achat était en quelque sorte « un cadeau empoisonné ». « C'est un peu notre danseuse », conclut-il. Sans compter que depuis 2013, la parcelle fait partie du Parc des Calanques, la rendant proprement inconstructible. Aujourd'hui libérées des stigmates de leurs diverses occupations illégales, les ruines de ce passé industriel ont été rendues à la végétation - une ruine au sens romantique du terme qu'Éric Touchaleaume entend bien conserver en l'état, en couvrant simplement de béton l'intérieur des cheminées rampantes, situées sur les hauteurs de l'amphithéâtre, qui servaient autrefois à évacuer les vapeurs d'arsenic.


L'an passé, 2 500 privilégiés ont pu découvrir l'endroit durant l'été, guidés par des étudiants de l'école d'architecture de Marseille ou des Beaux-Arts, ou Elliot, fils du propriétaire qui gère dorénavant le lieu, transformé en surface d'exposition pour habitations mobiles. « Nous défendons des architectures de collection mais pas des bâtiments en béton comme la Cité radieuse. Plutôt des bâtiments que l'on peut bouger », revendique le marchand, qui ambitionne de faire de la Friche de l'Escalette un tremplin, un lieu où tester ses événements avant de les monter dans sa galerie parisienne.
Après l'exposition du prototype Habitat tropical du Cameroun de Jean Prouvé, il s'attaque à un nouveau sujet, le plastique :

« Je trouve le plastique bouleversant. Avec lui apparaît une nouvelle génération de créateurs, de nouvelles formes. » Éric Touchaleaume, Galerie 54

Aux côtés d'installations fournies par divers antiquaires – dont celui qu'Éric Touchaleaume qualifie de « Pape du plastique », Benoît Ramognino, marchand aux Puces de Saint-Ouen –, la galerie expose trois maisons mobiles datant des années 1960-1970 : la soixante-huitarde Futuro House du finlandais Matti Suuronen, aux airs de soucoupes volantes ; l'Hexacube de l'architecte grec Georges Candilis, collaborateur de Le Corbusier ; et Bulle de Jean-Benjamin Maneval qui équipait un village de vacances des Pyrénées. Pour compléter ces habitations légères, Éric Touchaleaume fait donc découvrir aux visiteurs une série de meubles en plastique, tels que le bureau Boomerang, dans sa version Grand PDG (1969), de Maurice Calka ; le fauteuil Tomato d'Eeero Saarinen (1971), ou encore la chaise Baby Molar de Wendle Castle (1971).

Par ces différentes manifestations, le galeriste souhaite rembobiner le fils de l'histoire, du début du XXe siècle à nos jours. Il envisage ainsi d'organiser dès 2019 un concours international de cabanons ouvert aux architectes, designers et artistes en herbe, dans le but de faire émerger les talents de demain, dont les réalisations seront positionnées au cœur de ce Pompéi architectural.

À découvrir, en 2018, « Jean Prouvé - Maison tropicale de Niamey » qui occupera ce terrain de jeu extraordinaire qui a dorénavant retrouvé ses lettres de noblesse.

Exposition « Utopie Plastic », jusqu'au 30 septembre 2017, Friche de l'Escalette, Marseille (8e). Visites gratuites, sur réservation.
Pour en savoir plus, visitez le site de laFriche de l'Escalette

Photographies :
01) © ichetkar

02-03) © Baraja Touchaleaume
04-06) © DePasquale+Maffini
07-08) © Baraja Touchaleaume
09) Futuro House, Matti Suuronen ; Maison Cube, Jean-Benjamin Maneval
10) Maison Cube, Jean-Benjamin Maneval
11) Aerospace, Quasar Khanh



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