À la recherche du temps perdu, l'architecte Clément Lesnoff-Rocard signe en 2018 la rénovation d'un appartement de 95 mètres carrés localisé dans le quartier du Marais à Paris. Une intervention placée sous le signe de la réflexion entre l'espace et le temps, et qui ne manque pas, malgré ses ambitions esthétiques, de pragmatisme.

Si pour certains concepteurs la rénovation est un exercice purement technique, pour d'autres, cette intervention relève tout autant de la poésie, voire d'une véritable quête de sens. Bien-sûr, les deux démarches permettent de déboucher sur de beaux et ingénieux projets, mais la seconde a souvent le mérite d'accorder un supplément d'âme aux réalisations qui en découlent. Jeune architecte installé dans la Capitale, Clément Lesnoff-Rocard appartient aux concepteurs adeptes de la deuxième méthode.

En 2017, ses parents acquièrent un quatre pièces dans le quartier du Marais à Paris. « Il était vieux et poussiéreux, raconte Clément Lesnoff-Rocard. Intellectuellement attirant, poétiquement séduisant, mais hors de propos dans un contexte où chaque mètre carré est loué l'équivalent d'un salaire. » Hors de question donc de ne pas optimiser ni sublimer chaque recoin du volume. Évidemment, c'est à leur fils que le couple confie cette mission. Fasciné par l'existant, celui-ci convoque autant son esprit critique que sa sensibilité pour analyser l'espace. « La première fois que j'ai visité cet endroit, j'ai eu l'impression qu'il n'appartenait pas au présent ; entre ses murs, j'étais un jour, une année, un siècle en arrière. » Un sentiment dont la poussière n'était pas seule responsable, comme l'explique l'architecte : « en forme de L, l'appartement présentait la singularité de disposer de deux ailes abritées par des immeubles d'époques et de niveaux différents. L'une, datant du XVIIsiècle, offrait de grands volumes circonscrits par des murs épais, et dont il émanait un esprit très noble, presque monarchique. L'autre en revanche avait été construite au début du XIXsiècle, juste avant la période haussmannienne. Avec sa structure plus légère et richement décorée, elle dégageait quelque chose de plus précieux, de plus bourgeois. »

Partant de ce constat, Clément Lesnoff-Rocard décide d'explorer la notion de temporalité, à laquelle il donne une traduction spatiale. Entre les différentes pièces (chambres, cuisine et salon) en enfilade repeintes en blanc et équipées d'un nouveau parquet, il perce des ouvertures encadrées de bois, comme autant de failles dilatant les 95 mètres carrés que compte l'appartement. Les circulations aussi, sont modifiées : quand certaines portes sont camouflées, l'une d'entre elles, séparant la salle de bains de la cuisine, est laissée visible mais habillée d'un large miroir, afin de brouiller les repères des éventuels visiteurs.

Enfin, Clément Lesnoff-Rocard s'applique à mettre en scène les contrastes inhérents à l'existant grâce à un autre type de porte, cette fois sur pivot. Installée à la limite entre les deux ailes du volume, elle fait office de sas, de transition. À cause des écarts de niveau, les habitants y accèdent par une marche en pierre provenant de la maison d'enfance de la propriétaire. Et l'architecte de conclure, revenant sur cette énième référence à la temporalité : « en ne conservant que l'essence des lieux, j'ai laissé un Janus à deux visages, dont la dualité est révélée par un portail permettant de voyager dans l'espace et le temps. »

Pour en savoir plus, visitez le site de Clément Lesnoff-Rocard 

Photographies : Simone Bossi



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